Paris-Manchester 1918
Conservatoires en temps de guerre
1917. La blessure
Blessé, Roger Pénau ne s’attarde pas ici sur son sort. Les deux citations à l’ordre du régiment ne figurent qu’à « titre documentaire », la Croix de guerre n’est même pas évoquée et la blessure n’est « pas si grave ». Ce détachement, ce calme doivent se lire en contrepoint de l’ambiance générale de ce printemps 1917, marqué par les grèves à l’arrière et la multiplication des actes de mutinerie au front.
Au contraire, la lettre se teinte de nostalgie à travers l’évocation des camarades ratés de peu : Jacques de la Presle, correspondant assidu de la Gazette et le violoncelliste Jean Vaugeois.
Transcription
PENAU Roger (Vidal[1]), sous-chef de musique, 37e d’inf[2].
1er juin[3]
Je viens m’excuser de mon silence prolongé . . . . . . . . . . . .
J’ai été blessé par un éclat d’obus, mais la blessure n’étant pas grave, je suis guéri.
Il y a deux mois environ, je me trouvais tout près de mes anciens camarades Jacques de la Presle[4] et Jean Vaugeois[5] ; je n’ai pas eu la bonne fortune de pouvoir les joindre, et je le regrette infiniment. Par contre, j’ai eu l’occasion de bavarder musique avec Paul Ladmirault mon compatriote. J’ai aussi le plaisir d’avoir comme camarade de régiment l’excellent musicien Pierre Bretagne, dont vous avez entendu les œuvres à la Nationale[6] et à la S.M.I.[7]
Voilà les nouvelles. J’espère en avoir de mes camarades, et recevoir bientôt notre chère Gazette, qui nous rattache et prolonge notre existence artistique d’avant-guerre.
J’adresse à tous un affectueux souvenir, avec l’espoir de les revoir bientôt et à « titre définitif » comme on dit dans l’armée . . . . . .
À titre documentaire, je vous envoie le texte de mes deux citations (voir liste des décorés).
[1]Paul Vidal (1863-1931), professeur de solfège, accompagnement et composition au Conservatoire de Paris.
[2]Infanterie.
[3]1917.
[4]Jacques Guillaume de Sauville de Lapresle (1888-1969).
[5]Jean Vaugeois (1893-1969).
[6]La Société Nationale de Musique, fondée en 1871 par Romain Bussine et Camille Saint-Saëns. Cf. note 3 p. 1.
[7]La Société musicale indépendante, fondée par Maurice Ravel, Gabriel Fauré, Charles Koechlin, Florent Schmitt et Émile Vuillermoz en 1909. Cf. note 3 p. 1.
Source
Roger Pénau, 1915, Lettre au Comité franco-américain, in : Gazette des classes de composition du Conservatoire, no 10, Paris, décembre 1915, Médiathèque Hector Berlioz, Rmb 472 (10), p. 13-14.
Caractéristiques du document : document ronéotypé à l’encre violette, 21×27 cm.
