Paris-Manchester 1918
Conservatoires en temps de guerre

Être privé du « biniou »

Le thème évoqué ici de l’impossibilité de pratiquer son art apparaît de manière récurrente dans la Gazette des classes du Conservatoire, chez la plupart des artistes sur le front (brancardiers ou soldats). Quand ce n’est pas l’instrument qui manque, c’est le bruit incessant des canons qui rend impossible toute concentration nécessaire à la composition ou même à la remémoration musicale.

Né en 1891, Auguste Neff obtient un premier accessit de cornet pistons au Conservatoire de Paris en 1910, puis un deuxième prix de trompette en 1914 avant de voir sa carrière s’interrompre par la guerre, où il est enrôlé comme brancardier puis comme infirmier au 5e régiment d’artillerie de campagne (50e batterie de canons de 75 mm) puis au 250e régiment d’artillerie. Il ne reprend les études qu’en 1918 afin d’obtenir un premier prix (prix d’excellence) en 1919. Il poursuit une carrière de trompettiste par la suite, on sait notamment qu’il a joué dans les orchestres de cinéma.

NEFF Auguste (Petit & Franquin), infirmier d’art[1]. . . . . . . . S.P.[2]

1er Septembre[3]

Je vous écris ces quelques lignes, pour vous accuser réception de la Gazette qui est vraiment intéressante à parcourir et je ne doute pas un seul instant, que tous mes camarades priseront, eux aussi, votre journal ; excusez-moi, si je ne vous ai pas répondu plus tôt , car je suis allé en permission et à mon retour, je trouvai votre envoi, que je me mis à parcourir avec un vif plaisir et réel intérêt, car à ce que je vois, c’est vraiment le Journal des Beaux-Arts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La musique dans l’artillerie, il ne faut pas y compter, c’est vous dire que voici deux ans et un mois que je n’ai pas touché mon (biniou) ; à part cela, j’ai un poste assez tranquille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Enfin je fus 16 mois brancardier et voici 9 mois que je fais l’infirmier ; dans le service sanitaire, l’avancement est très restreint.

Je vous envoie la feuille que j’ai remplie le mieux que j’ai pu, je crois que vous pourrez lire mon griffonnage ; en tous cas excusez-moi, l’on a pas toutes ses aises pour écrire et c’est mon lit qui me sert de secrétaire, avec ma caisse à médicaments entre mes genoux en guise de pupitre, alors voyez d’ici, la position plutôt mal assise que j’ai, pour vous faire parvenir ces lignes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

[1]Artillerie.

[2]Secteur postal.

[3]1916.

Auguste Neff, 1er septembre 1916 : Lettre au Comité franco-américain, in : Gazette des classes du Conservatoire, no 4, Paris, 27 novembre 1916, Bibliothèque nationale de France, département de la musique, Rés Vm Dos 88 (1), p. 26. Voir sur Gallica.

Caractéristiques du document : document ronéotypé à l’encre violette, 21×27 cm.

Catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb43639008g