Paris-Manchester 1918
Conservatoires en temps de guerre

Perpétuer le souvenir

Le monument aux morts du Conservatoire est une commande au sculpteur Pierre Lenoir (1879-1953) en 1919. Il est installé en 1923 dans la cour du Conservatoire, rue de Madrid. Démonté lors du déménagement du Conservatoire en 1991 et abîmé par le temps, il est aujourd’hui conservé dans les réserves des Monuments historiques.

Henri Manuel, s.d. : Le Monument aux morts du Conservatoire 1914-1918

De style néoclassique, le groupe de femmes en haut-relief représentent, à gauche, la musique avec la lyre et à droite, portant le masque, le théâtre, les deux arts enseignés au Conservatoire[1]. Le personnage central, n’ayant pas d’attributs, est difficile à identifier ; il pourrait s’agir d’une simple pleureuse ou alors d’une allégorie de la France ou de la République pleurant ses enfants. L’attitude (la tête baissée, les mains, la coiffure défaite et tombante) l’inscrivent en tout cas au sein d’une iconographie de pleureuse. Deux lyres, symboles orphiques de la musique, surmontent la liste des noms. Ces éléments inscrivent le monument dans la série des monuments aux morts communautaires ou corporatistes[2] : il s’agit ici de montrer la spécificité des musiciens (et dans une moindre mesure les acteurs), en particulier les élèves d’une même école : le Conservatoire.

Les dernière recherches sur les musiciens du Conservatoire ont permis de retrouver plusieurs noms d’élèves et anciens élèves tombés au champ d’honneur qui ont été oubliés sur le monument. On peut également noter la présence d’Albéric Magnard, alors que ce dernier, bien que tué lors d’un assaut allemand à son domicile dans l’Oise, n’était pas mobilisé. Toutefois sa mort, immédiatement héroïsée par la presse et le milieu musical dans les premiers jours de la guerre, reste, jusque dans les années 1920 un résidu vivace de la résistance à l’« envahisseur allemand ». Sur la mort d’Albéric Magnard, on pourra se reporter à l’article de Patrice Marcilloux dans l’ouvrage La Grande Guerre des musiciens[3].

Henri Manuel, s.d. : Le Monument aux morts du Conservatoire 1914-1918
Paris : Musée de la Musique, E.995.6.238 B.
Caractéristiques du document : photographie positive.
Catalogue : http://collectionsdumusee.philharmoniedeparis.fr/doc/MUSEE/0158117/monument-aux-morts-du-conservatoire-1914-1918-photographie

Audoin-Rouzeau Stéphane, Prochasson Christophe, 2008 : Sortir de la Grande Guerre. Le monde et l’après-1918, Paris : Tallandier.

Becker Annette, 1988 : Les monuments aux morts. Mémoire de la Grande Guerre, Paris : Errance.

Becker Annette, 1994 : La guerre et la foi, de la mort à la mémoire. 1914-1930, Paris : Armand Colin.

Becker Annette, 2001 : « La Grande Guerre, entre mémoire et oubli », Cahiers français, n303, juillet-août 2001.

Becker Annette, Pelletier Olivier, Renoux Dominique, Rivé Philippe, Thomas Christophe (dir.), 1991 : Monuments de mémoire, les monuments aux morts de la Grande Guerre, Paris : La Documentation française.

Bongrain Anne, 2012 : Le Conservatoire national de musique et de déclamation 1900-1930. Documents historiques et administratifs, Paris : Vrin.

Demiaux Victor, 2013 : La construction rituelle de la victoire dans les capitales européennes après la Grande Guerre (Bruxelles, Bucarest, Londres, Paris, Rome), thèse de doctorat, Paris : EHESS.

Hottin Christian, 2006 : Le flambeau du savoir et la flamme du souvenir. Monuments aux morts et culte des morts dans les établissements d’enseignement supérieur (1918-1939), HAL archives ouvertes [en ligne : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00010066].

Kosseleck Reinhart, 1997 : « Les monuments aux morts, lieux de fondation de l’identité des survivants », in L’expérience de l’histoire, Paris : Gallimard, p. 135-160.

Prost Antoine, 1977 : Les Anciens Combattants (1914-1939), Paris : Gallimard.

Scates Bruce, Wheatley Rebecca, 2014 : « Les monuments aux morts », in Winter Jay (dir.) : La Grande Guerre, tome iii, Paris : Fayard, p. 563-598.

Tison Stéphane, 2011 : Comment sortir de la guerre ? Deuil, mémoire et traumatisme (1870-1940), Rennes : Presses universitaires de Rennes.

Winter Jay, 2008 : Entre mémoire et deuil : la Grande Guerre dans l’histoire culturelle de l’Europe, Paris : Armand Colin.

Notes

[1]La première classe de danse voit le jour en 1925 pour les filles. Il faut attendre 1947 pour voir apparaître une classe de danse pour les garçons.

[2]Christian Hottin, 2006 : Le flambeau du savoir et la flamme du souvenir. Monuments aux morts et culte des morts dans les établissements d’enseignement supérieur (1918-1939), HAL archives ouvertes [en ligne : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00010066], p. 3.

[3]Patrice Marcilloux, 2009 : « La mort héroïsée d’Albéric Magnard : essai d’approche culturelle », in Stéphane Audoin-Rouzeau et al. (dir.), La Grande Guerre des musiciens, Lyon : Symétrie, p. 85-102.