Paris-Manchester 1918
Conservatoires en temps de guerre

10 avril 1918 (Hope Squire)

Hope fait le récit d’un voyage en train à Londres. De nombreux soldats, y compris des prisonniers allemands, étaient à bord. Elle a dû défendre le choix de Frank et les objecteurs de conscience face aux critiques des autres passagers.

Crédit: University of Bristol Library, Special Collections (DM2103)

…I left Golders Green at 10am, Monday, and walked part of the way to Euston.  The train was crowded with soldiers, Japanese, Indians, Negroes & two wounded German prisoners in the carriage next to mine.  Although they could hardly drag themselves along they were escorted by 4 fixed bayonets.  Pure red tape, but an example of Militarism which makes a great impression when seen!  The people on the platform crowded round the carriage, some abusive epithets and much giggling and sneering – but not from any of the soldiers who were all quite considerate.  In my carriage 4 soldiers and 3 ladies – all talked about the war while I learned Esperanto, presently abuse and ridicule of the C.Os.  So after a few minutes I looked up and said quietly “I wish to tell you that I am the wife of a Conscientious Objector”.  There was a horrified silence & then one lady “assumed the offensive” backed up by the S. African Soldier… The others except a Slav and your darling “P.B.” tackled the lot with great ability for ½ an hour.  We then arrived at a station and the Slav slipped out of the train & returned with a cup of tea for me.  The other men then rushed out & got some tea for the other ladies, & themselves.  I had previously given my bottle of coffee with milk & sugar to a young soldier, who had been travelling since early morning.  The arguments continued – these men had only come across members of the Non. Com: Corps, & when I explained that a real C.O. would not be in the N.C.C. they were quite at a loss – in an hour all were my very good friends & eventually all expressed real appreciation of the real C.Os whom they knew nothing about and declared that they could not stand Solitary Confinement, even for a week.  They were all very nice men, but had never thought much & knew very little outside their own daily doings… 

 

…J’ai quitté Golders Green à 10h lundi matin, et j’ai fait une partie du chemin à pied jusqu’à Euston. Le train était bondé de soldats, des Japonais, des Indiens, des Noirs et deux prisonniers allemands blessés dans le wagon voisin du mien. Alors qu’ils pouvaient à peine se traîner, ils étaient escortés, 4 baïonnettes pointées sur eux en permanence. Pure bureaucratie et détails procéduriers, mais un exemple de militarisme très parlant quand on en est témoin ! Les voyageurs sur le quai se sont agglutinés autour du wagon, lançant des injures et ricanant, mais pas les soldats, qui se comportaient tous dignement. Dans mon wagon, les 4 soldats et les 3 dames qui parlaient de la guerre alors que j’essayais d’apprendre l’espéranto, se sont mis à insulter et à ridiculiser les objecteurs de conscience. Alors, après quelques minutes, j’ai levé la tête et j’ai dit calmement : « Je souhaite vous faire remarquer que je suis la femme d’un objecteur de conscience. » Après un silence horrifié, l’une des femmes est « passée à l’offensive », soutenue par le soldat sud-africain… Les autres, à l’exception d’un Slave et de ton grand favori « P.B. », leur ont tenu tête avec grande éloquence pendant une demi-heure. Lorsque nous sommes entrés en gare, le Slave est sorti du train puis est réapparu avec une tasse de thé pour moi. Les autres hommes se sont alors empressés de sortir à leur tour et sont revenus avec du thé pour le reste des dames et pour eux-mêmes. Avant cet épisode, j’avais donné ma bouteille de café au lait à un jeune soldat qui voyageait depuis les petites heures du matin. La dispute a repris de plus belle – ces hommes n’avaient rencontré que des membres du corps des sous-officiers (N.C.C.) et quand j’ai expliqué qu’un véritable objecteur de conscience ne faisait pas partie du N.C.C, ils sont restés sans voix. Une heure plus tard, nous étions tous les meilleurs amis du monde, et au final, ils se sont tous exprimés en faveur des véritables objecteurs de conscience dont ils ne savaient rien, et ont déclaré qu’ils seraient incapables de supporter l’isolement cellulaire, ne serait-ce qu’une semaine. Ces hommes étaient tous très gentils, mais on voyait qu’ils n’avaient jamais beaucoup réfléchi et qu’ils ignoraient presque tout de ce qui ne les concernait pas directement…